Analyse filmique

Les deux dernières séances ont été consacrées à une introduction à l’analyse filmique. Pour faire bon accueil aux plus jeunes de nos participants, venus se réchauffer à l’atelier pendant les congés d’hiver, Anna Fouqué avait choisi d’étudier un un extrait de Max et les Maximonstres de Spike Jonze (2009). Elle nous a montré quels étaient les procédés audiovisuels mis au service de la dramaturgie, qui permettent de créer du sens tout en concourant à davantage d’expressivité? L’exercice consistait en une novélisation de l’extrait proposé: la colère et la fuite de Max…

2 commentaires sur “Analyse filmique

  1. Swipe gauche. Swipe gauche. Swipe gauche. Swipe droit. Swipe gauche. Swipe gauche. Ah mince, trop vite, celui-ci était mignon. Pas moyen de revenir en arrière, à moins de payer une option dans l’appli. Hors de question ! Tant pis, il y en aurait d’autres.

    Swipe gauche. Swipe gauche. Swipe droit. Ah ! Un match ! Presque immédiatement suivi d’un « cc sv ».
    Avec un soupir, Annabelle reposa son téléphone. C’était toujours comme ça, entre les propositions indécentes, l’armée du « salut ça va », les disquettes impersonnelles qu’on devinait envoyées à tous les matchs et quelques photos de détails anatomiques non sollicités, il y avait peut-être un homme sur vingt capable de tenir une conversation respectueuse et intéressante. Ensuite venaient d’autres difficultés. Oui, elle était mère. Non, elle ne cherchait pas un père de substitution. Oui, il faudrait accepter ses enfants. Etc.

    Annabelle était sur le point d’abandonner, de désinstaller cette application, même si elle la réinstallerait probablement plus tard, relançant le cycle qui passait aussi bien par « je suis très bien toute seule » que par « J’aimerais bien trouver quelqu’un ».

    L’addiction aux swipes l’emporta sur la lassitude. Encore un, se dit-elle, ce serait peut-être le bon.
    Bruce, quarante-trois ans, soit à peine plus âgé qu’elle, plutôt pas mal avec ses lunettes… Il fallait tenter et espérer… la vibration du match résonna avec le cœur d’Annabelle s’accélérant.

    Au fil de la discussion, l’attirance se mua en évidence. Il fut convenu qu’ils se verraient chez-elle. Il y aurait Max et Claire, mais il lui avait assuré que ses enfants ne le gêneraient pas le moins du monde.

    ***

    Elle ne s’était pas trompée, Bruce se révéla aussi charmant en vrai que sur l’appli. Une bulle de bonheur, de rires et de bruits de biscuits apéritifs s’était formée autour d’eux, imperméable aux soucis et tracas du quotidien.

    L’assiette de biscuits fut bientôt vide. Après un dernier éclat de rire, Annabelle se leva en direction de la cuisine pour préparer le repas qui suivrait, croisant au passage Max qu’elle gratifia d’un « Ça va ma puce ? », remarquant à peine le costume de loup qu’il portait.
    Elle espérait que ses enfants se tiendraient bien, à commencer par Claire, à laquelle elle demanda de débarrasser la table à manger de ses affaires.

    Les réserves de la cuisine n’étaient pas au plus haut, mais elle savait que Bruce ne lui en tiendrait pas rigueur. Être mère célibataire n’était pas facile tous les jours, mais ce soir, rien ne viendrait entamer son moral. Pas même son fils qui traînait une chaise dans la cuisine et qu’elle réprimanda distraitement.

    Max jeta un œil dédaigneux à la table : « C’est quoi ça ?
    – Du pâté. » répondit sa mère en posant un sachet de maïs, qu’il souleva par un coin.
    « Maïs surgelé. T’as quoi contre le vrai ? »

    La bulle se fissura.

    Elle aurait préféré du maïs frais, bien sûr, mais elle ne se laissa pas démonter.
    « Le surgelé, c’est du vrai. Descends de là et va dire à ta sœur d’enlever son bazar. »
    Au lieu de s’exécuter, Max haussa la voix et, sans vraiment chercher à transmettre le message, répéta la phrase que sa mère avait adressé précédemment à Claire, en imitant à la perfection son intonation. Puis il la défia du regard.

    La fissure dans la bulle s’agrandit.

    Claire n’avait peut-être pas entendu l’appel, mais il n’avait pas pu échapper à son invité resté dans le salon. Pour quelle mère passerait-elle si elle ne savait pas gérer ses enfants ? Enfin, sa fille descendrait ou ne descendrait pas, mais c’était moins urgent. Aussi concentra-t-elle ses efforts d’autorité sur son fils.

    « Max, ne commence pas. »
    Son fils monta alors sur la table de la cuisine, se mit debout les bras croisés dans son costume de loup.
    « Max, descends de là s’il te plaît. » chuchota-t-elle pour diluer sa colère visible mais incompréhensible, « Je reçois un ami. Tu me fais honte !
    – Femme, nourris-moi ! » cria alors l’enfant qui la dominait en hauteur.

    La bulle éclata.

    « Descends de là, bon sang, tout de suite ! » Annabelle ne chuchotait plus.
    « Je vais te manger ! » hurla Max, puis il sauta de la table et courut vers la porte d’entrée.
    Il fut vite rattrapé par sa mère.
    « Qu’est-ce qui te prend ? C’est inacceptable !
    – Inacceptable toi-même ! »
    Annabelle n’était pas du genre violente dans son éducation, jamais elle n’avait levé la main sur ses enfants. Ce soir pourtant, elle ne voyait pas d’autre solution que de contrôler physiquement son fils.
    « T’es privé de dîner, va dans ta chambre ! » Là aussi c’était une première, mais vu son état, Max ne pourrait à l’évidence pas manger avec eux ce soir.

    C’est alors qu’il la mordit à l’épaule.

    Elle le lâcha immédiatement sous l’effet de la douleur et de la stupéfaction.
    « Tu m’as mordue ! Ça fait mal ! »
    Bruce, qui avait assisté impuissant à la scène, intervint à ce moment : « Te laisse pas faire. »
    Si elle avait eu le temps, elle lui aurait dit combien son conseil était malvenu, elle qui venait de dépasser toutes les limites de ce qu’elle s’était jurée de ne pas faire concernant l’éducation de ses enfants. Mais là encore, Max était une priorité.
    « Qu’est ce qui ne va pas ? » demanda-t-elle avec une colère teintée de soucis, « Tu es ingérable ! »
    Son fils paraissait lui aussi sous le choc de son acte.
    « C’est pas ma faute ! » s’écria-t-il, larmoyant. Puis il se releva et courut vers la porte d’entrée à nouveau.
    Prise par surprise, elle échoua à le rattraper avant qu’il n’ouvre la porte et ne s’enfuie dans la rue.

    ***

    Annabelle courait, la tête pleine de remords. Qu’avait-elle fait pour en arriver là ?
    Était-ce la présence de Bruce ce soir là ? Max s’imaginait-il qu’il venait remplacer son père ?
    Elle l’avait présenté comme un ami, mais Max avait l’âge de comprendre en partie les relations entre adultes.

    « Max ! »

    L’enfant disparut au coin d’un carrefour. Mue par la peur et la culpabilité, elle trouva des ressources qu’elle ne soupçonnait pas d’avoir pour accélérer.
    Les maisons défilaient, indistinctes dans l’ombre.
    Il n’y avait pas de voitures à cette heure, une chance. S’il se faisait renverser, elle ne s’en remettrait jamais.
    Son fils réapparut dans son champ de vision, au loin. La queue de son costume de loup s’agitait derrière lui.
    Elle avait à peine noté le déguisement tout à l’heure. Qu’avait-elle loupé d’autre, obnubilée par son invité ?

    « Max ! »

    Les façades et les portails furent remplacés par des arbres, alors que Max disparaissait à nouveau.
    Annabelle courait si vite à présent que ses larmes coulaient latéralement. La peur avait remplacé la colère. Si elle ne rattrapait pas son fils, elle le perdrait à jamais.

    Elle apercevait fugitivement sa silhouette par intermittence, et criait à chaque fois son prénom. Mais alors elle perdait en souffle, en vitesse, et Max s’évanouissait à nouveau.

    Elle arriva alors dans une zone sans éclairage, ayant dépassé les limites de sa banlieue résidentielle. L’obscurité s’ajouta à son oppression. Ses jambes, sa poitrine et sa gorge la brûlaient.
    Finalement, son corps la trahit.

    Essoufflée et le cœur brisé, son fils avalé par la nuit, Annabelle fut forcée de s’arrêter.

  2. C’est le cours d’après la cantine. Après les cris, la sonnerie. Après la sonnerie, l’ennui. Max regarde par la fenêtre pendant que le prof, il parle de la mort du soleil. Il aimerait être ailleurs, mais ailleurs c’est pas mieux. Même dans la voiture pour rentrer il pense à la mort du soleil et de tout. Il y a sa sœur et sa mère, et lui continue d’entendre l’histoire de la mort de tout.

    Une fois chez lui, il allume et il éteint le monde: c’est tout simple, c’est dans sa chambre, ça fait clic clic. Puis il a une idée : il y a de la lave au sol et maman doit venir pour être dans le piège de lave, mais il va la sauver, il a un vaisseau spatial ! Elle écoute pas.
    Alors Max prend son déguisement, et il descend comme un gros monstre en faisant du bruit et tout.

    Plus tard Max fait grincer la chaise à côté de maman qui prépare à manger. Maman qu’a pas aidé Max à les sauver demande à Max de l’aider : de dire à sa sœur de descendre. Max hurle à sa sœur de venir. Il sait que c’est pas ça qu’il faut faire mais maman explique pas le type à qui elle parlait, il l’a vu dans le salon. Genre qu’est-ce qu’il fait là ?!

    Mais il le dit pas et elle le dit pas alors c’est bagarre!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *